S’exposer au soleil est bon pour l’humeur, mais comporte des risques qu’il convient de prévenir. Bien que la recherche ne cesse de progresser dans ce domaine, le rôle du pharmacien consiste aussi à répéter les conseils de bon sens pour éviter les coups de soleil. Le point sur les produits qui permettent de se préparer au soleil et de s’en protéger au mieux.
Le soleil est le siège d’une réaction thermonucléaire. Il émet en permanence un rayonnement électromagnétique qui est heureusement filtré par la traversée de l’atmosphère. La couche d’ozone qui entoure la Terre arrête complètement les rayonnements mortels : il s’agit des « UVC », rayons ultraviolets de type C incompatibles avec la vie. En revanche, l’atmosphère terrestre laisse passer une partie des rayons ultraviolets de type A et B qui sont responsables des principaux effets du soleil sur la peau. Certains effets des ultraviolets sont bénéfiques. Ils permettent de synthétiser la vitamine D, une stimulation précieuse pour les enfants et les personnes âgées. L’autre effet recherché, c’est l’acquisition d’une pigmentation cutanée protectrice : le bronzage.
Le bombardement ultraviolet crée sur la peau la libération de radicaux libres qui déclenchent une protection naturelle. La mélanine rouge (phéomélanine) est produite en majorité par les personnes aux phototypes (voir tableau) I et II. Cette mélanine est un mauvais protecteur, car elle est dégradée par le rayonnement et sécrète des radicaux libres.
Les personnes de phototype IV, V et VI produisent plus facilement de la mélanine noire, qui protège mieux des effets du soleil. Les premiers sont donc mélanocompromis, tandis que les autres sont mélanocompétents.
Véritable effet de mode depuis des dizaines d’années, le bronzage nécessite une bonne préparation et beaucoup de bon sens. Sinon, gare aux effets négatifs des ultraviolets.
Les compléments nutritionnels solaires
Les compléments alimentaires proposent de préparer la peau au soleil. Naturelles, anti-âge, express ou spéciales peaux sensibles, il existe des formules adaptées à chaque besoin. Attention cependant : ils ne dispensent pas d’une bonne protection solaire !
Encore plus recommandés aux peaux sensibles au soleil, avec risque de photodermatoses (lucite estivale bénigne LEB ou urticaire solaire…), claires ou bronzant difficilement, les compléments nutritionnels solaires agissent sur deux niveaux.
Tout d’abord, ils luttent contre la formation des radicaux libres générés par l’action des UVA. Ils permettent ainsi de limiter le vieillissement cutané photo-induit.
De plus, ils agissent au niveau des mélanosomes qui acheminent la mélanine vers les kératinocytes. La réaction responsable de l’apparition de la couleur brune du bronzage se met alors en place.
Les facteurs aggravants d’ensoleillement
Le coup de soleil est d’autant plus à craindre que la quantité de rayons ultraviolets arrivant au contact de la peau sera plus importante. Ce qui est le cas :
• en altitude (la quantité de rayons ultraviolets de type B arrivant au contact de la peau augmente environ de 4 % tous les 300 à 400 mètres) ;
• entre 11 heures et 14 heures (le soleil est alors au zénith, la traversée du rayonnement solaire est plus courte et donc le pourcentage absorbé plus faible) ;
• sous les tropiques (pour les mêmes raisons) ;
• Par ciel clair (les nuages absorbent plus ou moins les rayons ultraviolets) ;
• sur la neige, le sable, et plus accessoirement la mer (au rayonnement ultraviolet direct s’associe un rayonnement réfléchi particulièrement intense sur la neige) ;
• en bateau, le vent masque l’intensité de l’ensoleillement ;
• attention aussi à la protection du parasol souvent incomplète : il n’arrête pas l’important rayonnement réfléchi sur le sable. Un nourrisson peut attraper une insolation après plusieurs heures passées sous un parasol.
Petit tour d’horizon de leurs composants :
• Des hydratants : huiles d’onagre, de bourrache, de soja…
Ces huiles apportent des acides gras aux multiples actions bénéfiques. Ils hydratent la peau et compensent ainsi le dessèchement causé par les expositions solaires. En s’incorporant aux membranes des cellules, les acides gras essentiels permettent à la peau de préserver son intégrité et sa souplesse. Ils interviennent aussi favorablement dans le processus inflammatoire cutané causé par le soleil.
Des pigmentants : caroténoïdes (bêtacarotène, lycopène…)
Les caroténoïdes sont des pigments naturels présents dans les fruits et les légumes. Une partie des caroténoïdes absorbés est acheminée partout où il y a de la lumière – dans la peau et les yeux –, où ils piègent les radicaux libres. Ils renforcent également la pigmentation cutanée en dopant la mélanine, contribuent au renouvellement cellulaire et diminuent la sensibilité de la peau au soleil.
Le bêtacarotène est aussi un précurseur de la vitamine A (rétinol). L’alimentation moderne, pauvre en fruits et en légumes, en fournit moins de 2 mg par jour. D’où l’intérêt d’apporter ces pigments au travers des compléments alimentaires.
Des antioxydants : vitamines C et E
La vitamine C et la vitamine E sont d’importants piégeurs de radicaux libres responsables du vieillissement de nos cellules. La vitamine C a aussi un rôle essentiel dans la synthèse du collagène indispensable à la fermeté de la peau. Ces antioxydants sont d’autant plus efficaces qu’ils sont absorbés en même temps qu’un corps gras, d’où l’intérêt d’une association avec des huiles d’onagre ou de soja.
Ces produits ne protègent pas du soleil
À noter que certains produits sont plus concentrés et permettent une prise quotidienne unique alors que d’autres ont des propriétés différentes du bronzage.
Certaines gélules proposent une action anti-âge en luttant contre le photo-vieillissement. Des laboratoires proposent des gélules solaires qui combinent préparation solaire et effet minceur. Une version deux-en-un qui promet un drainage grâce à des extraits de raisin, papaye, reine des prés et thé vert.
En général, la préparation de la peau à l’exposition solaire commence quelques semaines avant le début des vacances. Elle se poursuit ensuite pendant toute la durée de l’exposition.
Continuer la cure plusieurs semaines après l’exposition au soleil permettra de prolonger les effets bénéfiques du soleil.
Attention à bien informer vos clients que ces capsules n’arrêtent pas les rayons UV. Il est indispensable d’utiliser un soin protecteur lors des expositions solaires. Ne pas associer à d’autres produits contenant du sélénium.
À chacun son phototype
Le phototype conditionne le risque d’attraper un coup de soleil. La répartition des pigments mélaniques au niveau de la peau détermine le phototype de chacun, c’est-à-dire son aptitude à se défendre face au soleil. Il classe les peaux en six catégories, des peaux claires et laiteuses aux peaux les plus foncées.
Nos cellules sont capables de se protéger des effets nocifs du soleil grâce à des systèmes de défense naturels, mais ces systèmes ont des limites, surtout en cas d’exposition excessive ou de protection inadaptée.
Lors des premières expositions, il est important de recommander des indices de protection UVB élevés.
Vos clients pourront choisir des indices plus bas lorsque leur peau aura activé ses défenses.
Ils doivent éviter les phases d’exposition durant lesquelles le rayonnement solaire est le plus intense (généralement entre 11 et 16 heures).
Les formules aujourd’hui
La recommandation européenne dit qu’il faut un ratio inférieur à 2,5 points entre l’indice de protection UVB (SPF) et l’UVA (PPD). Pour y parvenir, la plupart des marques utilisent une combinaison de systèmes filtrants chimiques et minéraux. Chez La Roche Posay, on parle de Mexoryl qui permet « d’obtenir un meilleur ratio de protection que préconisé. Nous avons effectué des études sur 700 personnes qui ont des pathologies photo induites, ce qui a donné lieu à 19 publications dans des revues scientifiques », explique Barbara Maison.
Du côté de Galderma, on privilégie le Tinisorb M, une combinaison « qui permet d’avoir une couverture du spectre importante », explique le Dr Jacques Savary. Pour sa gamme Actinica, la marque a mis en place « un dispositif médical testé chez des patients immunosupprimés à cause de transplantations. Ils risquent des cancers cutanés non mélanocytaires et nécessitent une plus grande protection ».
Chez Noreva, les recherches se sont concentrées sur un système photo adaptatif. « Il renforce la protection de la peau lorsque le bombardement ultraviolet est intense. Les produits ont la capacité d’avoir une fonction anti-oxydante puissante qui protégera tout en réparant et en limitant la dégradation des filtres chimiques qui sont photostables, explique le Dr Jacques Peyrot. Cette crème contient une substance qui accélère le processus de fabrication de la mélanine par la voie de l’Alpha MSH. » Avançant à pas de géant, le dernier-né de Noreva, Noresun, qui sortira en avril, s’adapte à l’intensité de l’ensoleillement grâce au complexe Melan OX24, une combinaison d’un peptide et d’un anti-oxydant puissant.
Et dans le futur ?
Les recherches vont dans plusieurs sens. Pour certains scientifiques, il s’agit de parvenir à proposer un spectre qui couvrirait la totalité des UVA et UVB. D’autres explorent des procédés pour que l’application des produits solaires soit plus durable. Ils cherchent à rendre l’application de plus en plus facile et que les produits soient les plus discrets possible.
Les solaires du futur combineront certainement plusieurs effets, anti-âge ou encore amincissant, en même temps.
Autre piste, les micronisations intelligentes des formules sont envisagées, ainsi que l’utilisation de certaines vitamines qu’on ne sait pas encore appliquer par voie locale pour le moment.
Le rêve ultime serait le développement du pigment naturel dans la peau.
Les différentes formes de protection solaire
Les produits solaires existent aujourd’hui sous de nombreuses formes. Cette diversité n’est pas seulement liée aux exigences des consommateurs, elle a une réelle nécessité.
– Les crèmes solaires, plus hydratantes, sont plutôt destinées au visage et au dos des mains. Leur texture plus épaisse assure un film protecteur plus dense donc plus efficace sur ces zones sensibles. En effet, exposée au soleil toute l’année, la peau des mains et du visage réclame une attention particulière. Choisissez une crème protégeant non seulement des UVB, mais aussi des UVA, dont les indices de protection sont élevés.
– Les laits solaires conviennent mieux à la protection du corps et aux enfants, car, de textures plus fluides, ils s’appliquent très facilement. Un avantage d’autant plus intéressant que la surface à protéger est importante.
– Les gels et les sprays sont destinés au visage comme au corps, les seconds convenant particulièrement bien aux enfants, aux hommes et aux sportifs, car ils permettent une application rapide.
– Le stick solaire : un atout en plus. De consistance plus épaisse, assurant un film protecteur encore plus dense, le stick solaire est idéal pour protéger les zones les plus vulnérables : nez, contour des yeux, oreilles, cicatrices… et surtout lèvres dont le soleil est le principal ennemi ; ce bâton de protection devrait être toujours à portée de main, dans un sac ou dans une poche.
– Les lingettes solaires. Faciles à emporter partout dans leur emballage individuel, les lingettes sont idéales pour les bains de soleil imprévus : en balade, sur une terrasse… Elles sont simples à appliquer et protègent en un seul geste. Pour préserver l’environnement, les lingettes doivent rester un moyen de protection de dépannage.
Bien utiliser les soins solaires
Utiliser une quantité suffisante de produit sur les surfaces exposées. Il faut savoir que l’indice de protection est fonction d’une certaine quantité de produit qui est de 2 mg par cm2.
• Bien étaler et répartir, sans oublier les zones fragiles : le nez, les oreilles, la nuque et le dessus des pieds.
• Appliquer la protection solaire quelques minutes avant de se mettre au soleil.
• Renouvelez l’application plusieurs fois au cours de la journée, surtout après les bains.
Le but est de profiter du soleil sans risque, pas d’augmenter le nombre d’heures d’exposition.
Les enfants sous très haute protection
Le capital solaire étant grillé de moitié en vingt ans, il convient de bien protéger les enfants jusqu’à l’adolescence et d’être très vigilant avec les tout-petits. Les progrès en matière de produits solaires ne doivent pas empêcher de rester très méfiant.
En vacances, un tiers des enfants passe en moyenne quinze heures par semaine en maillot de bain au soleil. C’est beaucoup trop. Surtout quand on sait que l’eau et le sable réfléchissent 30 % des UV.
L’enfant étant incapable d’évaluer le danger, il ne manifeste son malaise que quand le mal est fait.
Avant l’âge de trois ans, la production de mélanine, responsable de la pigmentation, est insuffisante pour assurer à l’enfant une protection solaire naturelle efficace. En protégeant les enfants des UV, on leur évite le coup de soleil immédiat, mais surtout, on limite les dommages tissulaires à plus long terme. Des expositions solaires brutales et intenses pendant l’enfance semblent augmenter considérablement le risque d’apparition de cancers de la peau à l’âge adulte. On estime qu’à l’âge de 20 ans, un jeune a déjà dépensé la moitié de son capital solaire.
Globalement, il convient d’être vigilant jusqu’à l’âge de la puberté, car jusque-là, les défenses naturelles de l’organisme ne sont pas totalement opérationnelles.
La protection physique est à privilégier
Il faut donc donner la priorité à la protection vestimentaire : chapeau à bords, tee-shirt même pour se baigner, lunettes de soleil. À compléter avec une photo-protection d’indice élevé avec des produits formulés spécifiquement pour enfants.
C’est aussi pour protéger les enfants que les organismes de santé ont « stoppé la course aux indices qui créait un effet pervers avec un sentiment de protection totale », rappelle le Dr Savary. De fait, les indices maximums sont les fameux 50 +. Ils n’empêchent pas de rappeler que la meilleure protection est de respecter les précautions de base.
Lors de l’exposition au soleil, il est primordial de protéger le crâne et les épaules des enfants par des vêtements légers.
Éviter les heures d’ensoleillement maximum (entre 12 h et 16 h) en privilégiant les activités à l’ombre ou la sieste.
Choisir une crème spécialement formulée pour les enfants, avec un indice de protection 50, résistante à l’eau et au sable.
Appliquer la crème solaire fréquemment et généreusement (au moins deux couches, toutes les deux heures, avant chaque exposition et après chaque baignade) sur toutes les parties découvertes… sans oublier la nuque, les oreilles et les pieds.
La pléthore d’offre et les progrès en matière de protection solaire sont indéniables. Ils ne doivent cependant pas faire oublier que le soleil reste dangereux si on en abuse. Le rôle du pharmacien consiste donc aussi à répéter inlassablement les conseils de prévention.
Par Sophie Bouhier