Depuis le lancement en officine de Biotherm Homme en 1985, le marché s’est largement étoffé. Il a connu son apogée en 2011 où il représentait 10 % du total des cosmétiques. Le rasage reste le segment dominant mais il a connu un ralentissement avec la tendance de « la barbe de 3 jours ». D’autres produits sont venues relayées la croissance comme les huiles pour barbes ou les soins ciblés.

 Un marché influencé par les stéréotypes
L’homme d’aujourd’hui est bien différent de celui des années 90. Finie l’image du métro-sexuel, de l’influence de la culture gay; l’homme moderne est conquérant, indépendant et très masculin. Le retour à la barbe en est une de ses expressions.

Avec Men Expert,  et son égérie Éric Cantona, l’Oréal est revenu à un homme viril. En utilisant plus généralement des sportifs de haut niveau, le territoire de l’homme traditionnel s’affirme à

nouveau. La recherche de produits pratiques, efficaces, facile à utiliser et performants sont les critères de choix pour cette cible. Le discours doit être plus pragmatique, plus rationnel. Les codes couleurs des hommes se distinguent par des choix précis à l’image des voitures et privilégient le noir, le gris, le bleu profond, le métallisé. L’oréal Men Expert a osé une touche d’orange pour un côté fun et vitaminé. Les emballages sont souvent des flacons pompes, les 2 en 1 sont plébiscités (gel douche et shampooing). Les odeurs proches de celles des Cologne où dominent des notes fougère, boisées, marines et fraîches sont appréciées.

Les hommes ne cherchent pas à s’embellir mais tout simplement à prendre soin de leur peau. Les nouvelles générations d’hommes se sentent de moins en moins complexées à utiliser des soins cosmétiques. Prendre soin de sa peau et de son apparence participe au bien-être global et à la confiance en soi. Une peau saine, bien entretenue est un atout charme dans le jeu de la séduction. Tout comme l’importance accordée à sa coiffure, qui est soigneusement sculptée, le soin de la peau fait partie petit à petit du rituel masculin. Même si la notion d’hygiène reste prépondérante, l’hydratation et la prévention des rides deviennent des préoccupations de plus en plus fréquentes. Conséquence, les gammes s’élargissent souvent à partir d’un produit de rasage phare (brand stretching).

La beauté masculine reste un marché porteur même s’il est plus limité que celui de la femme.

En 2014, le marché des cosmétiques pour hommes s’évaluaient à plus d’1 milliard d’euros en France, avec une croissance de + 4,2 % pour les soins et de + 3.4% pour les capillaires. Cependant, les analystes ne s’attendent pas à une croissance très significative de ce marché, dans les années à venir, qui reste cantonné à l’univers du rasage et de l’hygiène. A moins que des innovations majeures ne viennent le bousculer.

La peau des hommes, des besoins spécifiques
La peau de l’homme est différente de celle de la femme. D’après les travaux menés par des chercheurs de l’Université de Grenade en Espagne, la peau masculine est plus épaisse, d’environ 20%, que la peau féminine, mais cette différence s’estompe au fil des années.

Les hommes ont aussi des niveaux de collagène et d’élastine plus élevés que les femmes, d’où une peau plus élastique et plus ferme.

La production de sébum varie aussi selon le sexe. Si les glandes sébacées de la population masculine, situées autour des follicules pileux, sont actives jusqu’à 80 ans, chez les femmes, la production d’androgènes (qui stimulent la sécrétion des glandes sébacées) diminue progressivement après la ménopause. Cette différence pourrait expliquer pourquoi la peau des femmes se dessèche plus tôt que celle des hommes.

Enfin, les peaux masculines ont un pH légèrement plus acide que celles des femmes, c’est pourquoi il leur faut plus d’hydratation. Le rasage et le manque de soins quotidiens aggravent cette situation. La production excessive de sébum peut engendrer davantage de séborrhée et de pores dilatés, de boutons ou d’acné. Par ailleurs, 80 % des hommes noirs et métissés et 30 % des hommes caucasiens souffrent de problèmes de peau liés au rasage, d’après une étude de la marque Dawey, menée auprès des dermatologues et barbiers en 2016. Un rituel du rasage approprié peut permettre de lutter contre les poils incarnés, irritations et boutons de rasage. Enfin, la peau des hommes, comme celle des femmes, peut être aussi sensible aux agressions, qu’elles soient environnementales (soleil, vent, eau de mer, pollution…) ou liées au mode de vie (tabac, stress, manque de sommeil, alcool ou alimentation déséquilibrée).

Les acteurs du marché français
En grande diffusion, le marché est trusté par Procter & Gamble, qui représente 29% de part de marché (valeur) avec sa marque leader Gillette (rasage, douche, déodorants…) et Unilever avec 12% grâce à ses marques Axe, Brut, Rexona for Men and Dove Men + Care. Le groupe l’Oréal avec sa marque Mennen est leader du marché de l’hygiène masculine en grande distribution en France, depuis le lancement de son premier baume après-rasage en 1986. En 2002, elle a lancé Mennen soin, une gamme qui reste toutefois cantonnée à l’univers de l’hygiène et du rasage.

Le circuit mass market représentait 370 millions d’euros de chiffre d’affaires, soit plus de 85% du marché ; la pharmacie, 17 millions et les parfumeries, 30 millions (source le nouvel économiste). Celui de l’internet a vu se développer des sites spécialisés comme le Comptoir de l’homme, créé en 2006, qui propose plus de 80 marques référencées parmi lesquelles le précurseur Biotherm Homme qui a depuis étoffé sa gamme au segment de l’anti-âge dès les années 2000, Clarins Men, Clinique for men et Shiseido men ou encore Task Essential, et des marques exclusives telles que Dermalogica, Molton Brown et Kiehl’s.

Pléthore de sites de parapharmacie sont aujourd’hui présents sur la toile avec des offres promotionnelles toujours plus agressives. On citera Parashop, parapharmacie-en-ligne, 1001pharmacies, lasanté.net, easyparapharmacie .com, …etc

Le sélectif est encore un circuit mineur, qui pâtit d’une image trop féminine. La pharmacie a donc un potentiel à développer et des atouts majeurs que sont la proximité et le conseil avisé du pharmacien.

La pharmacie, un challenger à fort potentiel ?
A l’image des magasins alimentaires de proximité, qui connaissent une croissance importante de leur chiffre d’affaire, la pharmacie possède elle-aussi cette proximité pour capter cette clientèle de quartier. A elle de transformer l’essai. Les pharmaciens doivent s’intéresser à la cosmétique, devenir des prescripteurs et ne pas hésiter à en faire la promotion. Cette démarche est d’autant légitime que les produits distribués disposent d’une crédibilité et d’une confiance importante de la part de leurs clients. Les hommes se rendent plus facilement à la pharmacie, univers neutre, que dans les parfumeries. Des marques généralistes comme Avène, Biotherm, Vichy leur sont familières. A côté de ces marques institutionnelles, arrivent des challengers, à forte identité et au marketing bien léché comme Bivouak ou Baxter of California.

Par  Michelle VINCENT