Le marché de la beauté au masculin progresse lentement mais sûrement pour des consommateurs exigeants qui veulent des résultats visibles rapidement. Les pharmacies étant moins connotées féminines que les parfumeries peuvent donc jouer la carte du conseil.

Tour d’horizon.
Difficile de trouver les chiffres du secteur de la beauté masculine en France. Tout juste sait-on que le marché mondial progresse et que les ventes de cosmétiques masculins s’élevaient à 2,8 milliards d’euros dans le monde en 2011. Dans l’Hexagone, le panier moyen se monte à 89,60 euros, contre 120 euros pour les femmes.

Pour Teddy Le Maout, attaché de presse beauté depuis près de dix ans et blogueur sur le sujet, « le secteur n’est pas très excitant et tourne en rond car il n’y a pas d’innovation depuis deux ans. C’est un marché calme qui tourne beaucoup autour de l’hygiène. »
De fait, les hommes sont attachés à des valeurs sûres : les produits liés au rasage restent leurs favoris. Ils représentent même le geste beauté au masculin numéro un, après les basiques gels douches et déodorants.

Le boom de l’anti âge
Cependant, acteurs, chanteurs et sportifs influencent de plus en plus les hommes qui se mettent la pression pour faire bonne figure sur le lieu de travail et dans la vie personnelle. Cela a donc des conséquences sur le marché des anti âge qui connaît la meilleures progression du secteur ces dernières années.
Pour le moment, un quart des hommes seulement utilisent des produits de soin pour le visage tels que des nettoyants, des soins hydratants, des produits pour les lèvres ou les yeux, et des soins anti-âge. Mais le phénomène s’accélère avec le vieillissement de la population et l’influence des médias.
« Ce que nous recherchons, ce ne sont pas les fausses promesses, mais bel et bien un résultat visible rapidement », explique Teddy Le Maout. Ainsi, selon lui, paradoxalement, les hommes peuvent donc être adeptes des masques et des gommages dont les effets se font sentir immédiatement, sans pour autant se sentir dévirilisés !
Consommateur pressé et bien souvent ignare en la matière, l’homme cherche une solution à un problème, « et non une expérience sensorielle ».
C’est là que le pharmacien a un rôle à jouer. Car avec la gent masculine, la pédagogie est primordiale. Pour vendre, il faut conseiller et surtout dédramatiser. Et pour cause, a-t-on jamais appris à un homme à se mettre de la crème ?
Sachant que ces messieurs n’aiment pas trop faire de shopping et rechignent à entrer dans les parfumeries qu’ils jugent trop féminines, ils sont plus enclins à faire leurs emplettes beauté en même temps que les achats à la pharmacie.
A noter que du côté des galéniques, le sérum remporte tous les suffrages parce que moins gras que les crèmes.

Une peau différente
La peau d’un homme n’est pas identique à celle d’une femme. Les différences sont nombreuses, et importantes. Les mécanismes en jeu sont extrêmement complexes. Néanmoins, on doit retenir quelques points importants. La peau de monsieur est environ 25 % plus épaisse que celle de madame. Donc moins fragile. Elle « plisse » d’ailleurs moins vite, mais se creuse plus profondément, lorsqu’apparaissent les rides. La peau masculine se ferait presque oublier jusqu’à la trentaine. En revanche, elle le rappelle à l’ordre ensuite, et plus brutalement…Plus imprégnée d’androgènes, la peau des hommes sécrète plus de sébum. Et donc occasionne plus d’acné et de boutons en tout genre comme la folliculite. Sachant que l’acné est un mal qui progresse du fait de la pollution et d’un mode de vie occidental qui se développe de plus en plus, le marché de ces produits ne peut qu’augmenter lui aussi (voir Pharma beauté mag n°3)

Des poils plus gênants
Geste beauté numéro un masculin, le rasage est un moment clé de la journée. Et même si c’est un symbole de virilité, il est souvent vécu comme une corvée qui s’accompagne de divers désagréments incommodants voire douloureux : irritations, démangeaisons, sécheresse, tiraillements, « feu » du rasoir…
Nombreux sont ceux qui passent directement à l’étape rasage sans avoir pris la peine de préparer leur peau. Il est donc primordial d’humidifer le poil et le rendre plus souple afin d’en faciliter la coupe et éviter l’effet « arrachage ». Après 2 à 3 minutes de contact seulement avec le poil, l’eau tiède divise par 2,5 la force nécessaire pour le couper. Voilà pourquoi le meilleur moment pour se raser est juste après la douche (et avant le petit déjeuner car l’afflux sanguin provoqué par la mastication rend le rasage plus douloureux).
Gel, mousse, application à la main ou au blaireau… à chacun son produit et sa technique. Le gel serait préférable car son application implique une vraie malaxation de la peau. L’utilisation d’un blaireau est un plus pour maintenir le taux d’humidité et éliminer les impuretés. Le savon est plutôt déconseillé pour ses propriétés déshydratantes.
Un bon rasage comporte deux passages. Le plus important est de ne jamais attaquer le rasage à contre-poil. Il fait d’abord passer la lame dans le sens du poil (généralement de haut en bas pour les joues et de bas en haut pour la peau du cou). C’est au second passage que l’on peut raser à rebrousse-poil. Ainsi, Monsieur évite les poils incarnés, les coupures, les boutons et les infections. Qui dit deux passages, dit bien sûr deux applications de produit (pour maintenir l’hydratation du poil et faciliter la glisse de la lame et donc la coupe).
Le meilleur ordre pour se raser consiste à commencer par les zones les moins sensibles (cela permet aux zones sensibles d’avoir plus de temps pour s’humidifier). Donc : des pattes, en allant vers la bouche, puis la moustache et enfin, la partie inférieure du visage, du menton vers le cou.
Réputé moins offensif, le rasage électrique implique aussi une bonne préparation. En particulier que le poil soit préalablement relevé et durci. La prévention et le soin du poil incarné, si désagréable et disgracieux est donc essentielle.
Au moment de rincer la peau et d’ôter l’excédent de produit, préférer l’eau froide qui va resserrer les pores et la tonifier. En cas de saignement, la pierre d’alun humide aux vertus antiseptiques et astringentes est efficace.
Geste beauté qui tend à se développer chez les hommes, l’utilisation de lotion, gel ou crème apaisante afin de reconstituer la barrière naturelle protectrice de la peau et la nourrir tout au long de la journée.
Les marques rivalisent d’imagination pour proposer des soins polyvalents, qui, dans une même formulation, participent à l’hydratation de la peau et à sa protection (solaire par exemple). Aujourd’hui, il est de plus en plus courant de trouver des soins qui comportent également un anti-âge pour plaire aux baby boomers qui tiennent à préserver la tonicité de leur peau.

L’épilation se pratique de plus en plus
L’épilation est une pratique qui devient de plus en plus présente dans la conscience masculine. Selon Ipsos, l’épilation concernerait de plus en plus les hommes : deux tiers d’entre eux affirment que si leur compagne rejetait le fait qu’ils soient trop poilus, ils épileraient un peu le torse ou le dos « certainement » pour 37 % d’entre eux ou « probablement » pour 31 % d’entre eux. Il faut toutefois noter qu’une certaine catégorie d’hommes, en particulier les plus jeunes, accepteraient volontiers de s’épiler pour 82 % d’entre eux et que 46 % le feraient certainement.
Les raisons sont multiples : 35 % des messieurs qui choisissent un corps lisse et soyeux s’épilent par souci esthétique, contre 15 % pour leurs activités physiques, 13 % pour raisons purement hygiéniques et 6 % pour combattre le complexe d’une poitrine trop velue. Comme quoi, pas besoin d’être gay ou sportif frénétique pour s’épiler.

Transpiration
Les hommes transpirent plus que les femme, une vérité scientifiquement prouvée. Et sur le plan de la santé, c’est plutôt un avantage pour eux, même si ça peut leur poser des soucis en société. La principale fonction de la sueur consiste à refroidir le corps humain, de façon à ce que sa température interne demeure relativement constante.
Une étude japonaise a démontré qu’avant de se mettre à transpirer, les femmes doivent atteindre un haut niveau d’intensité dans l’exercice. Pour les hommes, ce niveau est moins élevé.
Cette différence est due, pense-t-on, à la testostérone masculine qui augmente la sudation. Pourquoi les hommes transpirent-ils mieux ? Tout simplement parce qu’il ont plus de liquide corporel que les femmes.

Bille, stick ou spray ?
Les hommes qui transpirent beaucoup opteront plus volontiers pour un stick. En plus de ne pas tacher, il assure une protection plus longue que les sprays. Les déodorants à bille délivrent une impression de fraîcheur et sèchent très vite pour éviter les marques. Les sprays peuvent parfois laisser des traces et semblent perdre un peu plus rapidement de leur efficacité.
Alors que les déodorants masquent l’odeur de transpiration, les anti transpirants visent à limiter la sécrétion de sueur. Son effet dure plus longtemps qu’un déodorant mais n’est pas parfumé, ce qui permet de ne pas se mélanger à son parfum.
Cependant, certains anti transpirants comportent aussi un déodorant.
Ceux qui ont la peau sensible ou des tendances aux allergies, privilégieront des solutions sans alcool. Pour les hommes qui s’épilent les aisselles, les déodorants alcoolisés sont également déconseillés pour éviter les brûlures.

Cheveux
Du côté des cheveux, la majorité des shampoing n’est pas spécialement sexuée, même si certains d’entre eux sont formulés pour répondre à un souci masculin majeur : la perte des cheveux.
Ce problème touche plus de 66 % des hommes dont 38 % deviendront chauves. Avec ces millions de consommateurs potentiels, la calvitie représente un marché important. Elle est due à l’influence des hormones mâles, les androgènes. Elle peut apparaître très tôt, dès 18 ans.
La calvitie s’explique par le fait que les cheveux suivent un cycle immuable : d’abord, la phase anagène (le cheveu pousse), catagène (phase de repos) puis télogène (le cheveu meurt et tombe). Ce cycle dure en moyenne entre un et trois à quatre ans. La calvitie, elle, est liée à une hyperactivité d’une enzyme, appelée 5 alpha-réductase, qui va accélérer le cycle pileux. Celui-ci ne durera dans ce cas que de trois à six mois. En accélérant les cycles, cette hyperactivité va épuiser toutes les potentialités du bulbe à se régénérer. Cela le fera vieillir prématurément jusqu’à ce que le cheveu ne repousse plus. L’activité de la 5 alpha-réductase est programmée génétiquement.
Pour autant, perdre ses cheveux à un moment de sa vie ne signifie pas aboutir à une calvitie. La vitesse et l’importance de la calvitie varie et est imprévisible. Un homme peut très bien perdre ses cheveux pendant trois ans, puis le phénomène se stabilise pendant un certain nombre d’années.

Les traitements préventifs médicaux donnent d’assez bon résultats, mais ils comportent deux inconvénients majeurs. Ils doivent être pris à vie et peuvent faire baisser la libido.
Les compléments alimentaires constituent donc une alternative, certes moins efficace, mais sans effets secondaires. Ces comprimés riches en vitamine B (comme l’huile de courge) permettent de rallonger les cycles et de « gagner » du temps.
Les hair maker peuvent être une aide précieuse pour aider certains hommes à garder confiance. Ces produits sont des densificateurs capillaires. Ce sont en fait des microfibres de coton, 100 % naturelles, qui vont s’accrocher au cheveux existants grâce à l’énergie électrostatique et multiplier la densité capillaire par 8. L’effet esthétique est immédiat. Le produit se complète d’un spray spécifique qui permet de faire tenir les fibres en toute circonstance, y compris par temps humide.

Les troubles de la prostate
Sujet très sensible pour l’homme : la prostate. Cette glande sous l’influence des hormones sexuelles (testostérone) peut créer des troubles, voire même un cancer. La prostate saine a approximativement la taille d’une châtaigne (3 cm de haut, 2,5 cm de profondeur), de 15 à 25 g à l’âge adulte. Elle subit une seconde période de croissance après l’âge de 60 ans entraînant la plupart des troubles.
L’adénome de la prostate est une tumeur bénigne qui touche 80 % des hommes de plus de 50 ans et correspond au vieillissement du tissu prostatique. Appelée aussi hypertrophie bénigne de la prostate, elle peut être traitée avec des médicaments ou grâce à la chirurgie (ablation d’une partie de la prostate).
Une prostatite est une inflammation de la prostate. Si la prostate se développe trop, elle peut resserrer l’urètre et ainsi perturber l’écoulement de l’urine. Cela rend la miction difficile, douloureuse et dans des cas extrêmes, complètement impossible. Ce trouble est traitée avec des antibiotiques, ou la chirurgie.
Ces problèmes peuvent aussi avoir un impact sur la sexualité masculine.
Le marché des compléments alimentaires tient compte de ces troubles masculins et propose des produits qui agissent à titre préventif. Ils contiennent souvent de l’huile de pépins de courge, de l’ortie, du zinc, et des anti oxydants. Certains de ces produits se présentent également comme étant des tonifiants sexuels.

Le ronflement
Autre sujet qui peut fâcher, le ronflement est un trouble qui touche davantage les hommes que les femmes.
Ce problème survient lorsque les muscles de l’arrière-gorge, du voile du palais, de la luette et de la langue se relâchent pendant le sommeil profond. En se détendant, ces organes prennent davantage de place et obstruent les voies respiratoires. Lors de l’inspiration, l’air a plus de mal à passer et fait vibrer ces tissus, provoquant un bruit de ronflement.
Le ronflement s’accentue avec l’âge, le poids, la consommation d’alcool et la prise de médicaments.
Pour limiter la gêne occasionnée plusieurs produits sont proposés. Les sprays améliorent le passage de l’air et le passage du voile en lubrifiant les muqueuses. Ils existent pour la gorge et le nez.
Autre solution, l’orthèse mandibulaire est un dispositif médical ayant la forme de gouttières. Il se place dans la bouche afin de tenir la mâchoire inférieure et la langue en avant.
Pour profiter de la manne que représente l’essor du marché masculin, certaines marques jouent sur la mixité des produits. « Etant donné que les plus intéressantes nouveautés sortent chez les femmes, certains hommes curieux se disent qu’après tout leur peau n’est pas si différentes », argumente Teddy Le Maout, blogueur beauté. Et quoi de mieux pour tester que de se servir dans les pots de sa compagne ? Un site Internet s’est même amusé à chiffrer le coût de telles pratiques, pas si rares (voir encadré).
Quoi qu’il en soit, la cosmétique pour homme a encore de beaux jours devant elle pour peu que les marques sachent s’adresser à ces consommateurs qui ont besoin d’être rassurés et guidés.

par Sophie Bouhier et Leslie Carombo